
Dans la perspective de la conférence de financement des mobilités prévue en mai prochain, le groupe UDI, Centristes et Apparentés à la Région Auvergne-Rhône-Alpes a adressé ce jour un courrier à Dominique Bussereau, président d’Ambition France Transport.
À travers cette interpellation, les élus centristes souhaitent ouvrir une réflexion sur de nouvelles modalités de financement, plus justes et mieux adaptées aux réalités territoriales. Ils formulent une proposition concrète : instaurer une contribution spécifique pour les acteurs de l’e-commerce, dont l’activité engendre un flux logistique important (tels qu’Amazon, Temu, Shein…) et pèse fortement sur les infrastructures.
Le groupe UDI, Centristes et Apparentés appelle à ce que cette piste soit étudiée dans le cadre des travaux à venir, aux côtés des autres leviers de financement envisagés.

Contribution des élus du groupe UDI, Centristes et Apparentés au débat sur le financement des mobilités par le e-commerce
La Loi de finances 2025 ouvre la possibilité pour chaque Région d’instaurer un Versement Mobilité Régional (VMR), une taxe additionnelle de 0,15 % des salaires pesant sur les employeurs privés et publics. Soucieuse de préserver la compétitivité des entreprises, la Région Auvergne-Rhône-Alpes a fait le choix responsable de ne pas ajouter cette charge estimant que les employeurs contribuent déjà au financement des transports via le Versement Mobilité (VM) perçu par les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) urbaine, ainsi que par la prise en charge partielle des abonnements transports en commun.
Pourtant, une réalité demeure : chaque jour, des milliers d’actifs résidant dans les territoires périurbains et ruraux rejoignent les grandes agglomérations pour y travailler, sans que leur contribution au financement des infrastructures soit proportionnée à leur usage réel. Cet écart interroge sur la nécessité d’un modèle plus équitable, qui permette d’assurer un développement harmonieux et efficace des transports pour tous.
Pourtant, le déploiement d’un véritable maillage territorial de transport collectif a besoin d’investissements. Nos réseaux de trains, de cars et de mobilités actives doivent être développés et modernisés pour répondre aux attentes de nos concitoyens. Sans oublier la mise en place de 24 SERM partout en France, un projet qui demande un financement important que nous devons faire sans alourdir la fiscalité sur ceux qui produisent et qui embauchent.
Dans cette perspective, nous souhaitons apporter une contribution aux travaux de la commission que vous présidez. L’objectif étant, dans notre esprit, de parvenir à un nouveau financement des mobilités adapté aux réalités économiques et territoriales du 21e siècle, conciliant équité, compétitivité et efficacité.
Le financement actuel de la mobilité comporte plusieurs incohérences :
Tout d’abord, le Versement mobilité est un impôt calculé sur la masse salariale et pèse donc lourdement sur les entreprises installées sur le territoire national, exonérant les produits d’importation. Il pénalise la compétitivité des entreprises et notre politique de relocalisation. Dans le même temps, l’économie nationale traverse une période de grande fragilité et la relocalisation de nos sites de production est un enjeu de souveraineté national dans un contexte géopolitique tendu. C’est pourquoi une remise à plat de cette imposition paraît souhaitable.
Par ailleurs, le Versement mobilité est basé sur le périmètre d’une AOM, ne correspondant pas à l’aire d’attractivité des métropoles. Pour illustrer cette incohérence territoriale, prenons le cas de la Métropole de Lyon : en 2025, le versement mobilité va lui rapporter 487,5 M €. Ces recettes vont être utilisées dans le périmètre du SYTRAL Mobilités alors même qu’environ un quart de ces actifs habitent au-delà de cette zone. Des territoires desservis par les Cars Région et les TER, donc assurés par la Région, sans que cette dernière bénéficie d’une quote-part du VM déjà prélevé.
Enfin, nos entreprises sont déjà fortement sollicitées, la pression fiscale sur les employeurs pèse sur leur compétitivité et leur capacité à créer des emplois. Dans un contexte économique et géopolitique incertain, il est de notre responsabilité d’éviter une nouvelle charge qui pénaliserait les acteurs économiques de nos territoires.

Le développement exponentiel
de l’e-commerce fragilise le tissu économique des territoires
Nos commerces de proximité sont l’âme de nos villes et villages. Pourtant, ils font face à une concurrence déloyale : celle du e-commerce, dont les prélèvements fiscaux et les charges fixes sont bien inférieurs à ceux des commerces physiques. Tandis que nos artisans et commerçants assument des loyers, des taxes locales et des coûts d’exploitation élevés, les plateformes numériques captent une part croissante du commerce sans contribuer équitablement à la vitalité de nos centres-villes.
Par ailleurs, l’e-commerce repose sur une logistique intensive qui multiplie les flux de transport, avec des livraisons omniprésentes dans nos villes et nos campagnes. Ce modèle favorise également la surconsommation, en incitant à des achats impulsifs facilités par la disponibilité immédiate, la simplification des processus d’achat et la quasi-gratuité des livraisons et des retours. En 2023 ce sont près de 1,675 milliards de livraisons qui ont été effectuées en France (soit 5,6 millions par jour) selon l’ARCEP, soit une augmentation de 60% depuis 2017 ! Il contribue ainsi à une pression accrue sur les infrastructures, une usure accélérée des réseaux routiers et une empreinte environnementale qui ne peut être ignorée.
Face à ces défis, il est essentiel d’impulser une prise de conscience et de favoriser une consommation plus responsable et locale, qui soutienne l’économie de proximité tout en limitant les impacts sur nos territoires et nos infrastructures.
Dans cette logique, l’e-commerce doit assumer sa part de responsabilité dans le financement des mobilités. Son modèle sollicite fortement les infrastructures de transport, sans pour autant contribuer équitablement à leur entretien et à leur développement.

Nous proposons ainsi la mise en place d’une contribution spécifique au financement des mobilités du quotidien pour les acteurs du e-commerce générant un important flux de transport. Cette mesure concernerait principalement les géants du e-commerce (Amazon, Shein, Temu…), tout en favorisant le développement de commerces et artisanat de proximité que ce soit physique et en ligne. Notre volonté est de proposer l’instauration d’une participation plus équitable au financement des infrastructures.
Cette approche s’inspire de la loi Darcos, qui a instauré un frais de port minimum de 3 € pour les livres neufs commandés en ligne en dessous de 35 €, afin de soutenir les librairies indépendantes. Cette mesure a permis une augmentation de 2,3 points des ventes en librairies physiques et une hausse de 9,5 % des ventes en ligne des librairies indépendantes, prouvant l’efficacité d’une régulation pour soutenir le commerce de proximité et dynamiser l’économie locale.
De plus, vu la croissance continue du e-commerce, leur mise à contribution pourrait être une ressource particulièrement dynamique. Depuis 2016, le secteur affiche une progression de plus de 13 % par an atteignant 160 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024 selon la FEVAD. Ces données montrent donc que les géants du commerce en ligne ne connaissent pas la crise, leur participation pourrait ainsi générer une ressource dynamique particulièrement importante pour la mise en œuvre par les Régions des SERM.
Dans cette perspective, la Conférence sur le financement des mobilités doit être l’occasion d’ouvrir une réflexion collective sur un modèle plus équitable, ne pénalisant pas les acteurs économiques nationaux, adapté aux réalités territoriales et prenant en compte les nouveaux usages.
Avec cette proposition tournée vers l’avenir, nous appelons à un dialogue sur les solutions permettant d’assurer un financement durable des mobilités, intégrant de manière plus ciblée, plus équitable et plus juste l’ensemble des acteurs qui en dépendent et y contribuent.

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